dimanche 22 mai 2016

Les couleurs de la vie....



Les semaines commencent à passer de plus en plus vite : voilà déjà 20 semaines que je suis à Haïti et, dans 7 semaines, je retrouverai ma famille et mes amis <3

Ces trois dernières semaines ont eu de nombreuses couleurs de l’arc-en-ciel : des énervements, des joies, des inquiétudes et de belles rencontres, alors je vais essayer de mixer un peu de tout dans ce message…

Tout d’abord, des énervements : il nous a fallu annuler à nouveau des rencontres prévues, car malheureusement la voiture du pasteur mise à notre disposition avait les pneus en si mauvais état qu’il était impensable de prendre certaines routes ! Dès lors afin de limiter les difficultés de remplacer ces séances, je me suis renseignée pour le prix du changement de roues : US$ 640 ! Impossible pour moi de prendre en charge ces frais :-(  Dans l’urgence, j’ai loué une voiture (forcément un 4x4 car il n’est pas possible de prendre autre chose) pour une journée et ai payé US$ 150.- la journée et 20.- d’essence ! J’ai découvert à ce moment que, si à mon arrivée 1CHF valait environ 56 gourdes, à présent cela représente 64 gourdes L Leur monnaie se dévalorise à une vitesse grand V et comme ici ils font payer souvent le prix en US$ cela devient toujours plus difficile pour de nombreux Haïtiens, alors que ceux qui travaillent avec les étrangers (locations de voitures et hôtels) s’enrichissent. Cependant, je ne me voyais pas non plus louer la voiture les 3-4 fois encore nécessaires, alors je voulais voir pour participer à l’achat des pneus. Entre temps, l’Eglise méthodiste, à qui appartient les véhicules, a financé une partie de l’achat et le reste a été pris en charge par le pasteur. La voiture est donc à présent en ordre pour les prochains voyages et cela me rassure. 

Néanmoins, nous avons dû faire des nouveaux regroupements d’écoles, passant de 3 à 6 écoles participantes à certaines formations, car il était impossible de multiplier les dates alors que les examens commencent le 10 juin. Du coup, je participe aux frais de déplacements de certains enseignants à raison de CHF 4,50 environ par enseignant pour les plus éloignés (d’habitude ils reçoivent environ 7.-). Malgré tout, à la dernière formation, certains m’ont relaté leurs difficultés à trouver un taxi moto pour venir et ceux qui en avaient trouvé ont eu des pannes ! Pour d’autres, la seule solution est 2-3 heures de marche…si tout va bien ! Je me fais l’effet d’être un bourreau ! Je suis triste de ne pas pouvoir prendre tout en charge, mais mes finances arrivent aussi bientôt au bout de leurs réserves et je mets presque 20.- par semaine pour des copies pour les différentes formations afin qu’ils aient vraiment des documents utilisables après mon départ ! 


Ce vendredi, la formation a commencé en salle, car j'avais besoin du tableau noir,





mais elle a fini sous le manguier pour éviter note surchauffe ! 








Il me reste donc environ trois semaines de formation à donner et il semble y avoir eu peu d’effets dans les classes suite à la première journée, j’espère que la deuxième va servir au moins à quelques enseignants ! Parallèlement, je  poursuis mes formations facultatives du samedi matin et le nombre de participants varient de 1, à 5, à 13….. Mais j’aime beaucoup ces moments très variés !
 A partir du 10 juin, je mettrai au net des documents à distribuer à la rentrée en lien avec mes formations ainsi que les attestations de présence pour les enseignants, j’aurai ainsi de quoi finir de m’occuper  et peut-être d’aller ranger quelques bibliothèques, ce que je n’ai pas pu encore faire à cause de quelques soucis de santé....

Fin avril, j’ai eu une conjonctivite que le médecin a traitée. Alors qu’elle avait quasiment disparu au bout de 5-6 jours, mon inflammation de l’œil est revenue en force et après trois jours, je ne voyais absolument plus rien de mon œil gauche. Et cela au moment où ma blessure de la jambe était officiellement déclarée fermée après 8 semaines ! Mon médecin généraliste a essayé de me donner des antibiotiques pour l’œil, mais aucun changement. Or, il n’y a pas d’ophtalmologue à Jérémie, mais un vient de Port-au-Prince une semaine par mois. Le médecin lui a téléphoné samedi dernier pour demander conseil et il nous a annoncé sa venue pour mardi. Dès lors, je l’ai attendu avec beaucoup d’inquiétudes, car la vue est quelque chose de délicat. J’hésitais presque à contacter le livret Eti pour un rapatriement, mais j’ai décidé d’attendre le mardi. Dès son arrivée, il m’a reçue rapidement, me faisant dépasser des dizaines de personnes qui attendaient…c’est agréable, mais plutôt gênant ! Bref, verdict : une mauvaise kératite, soit une infection par des champignons fongicides de la cornée. Il me donne tout de suite deux médicaments pour m’aider, mais m’annonce que celui qu’il me faut vraiment est introuvable à Jérémie et rare à Port-au-Prince. Quelques téléphones plus tard, l’achat est organisé à PaP : un endroit est indiqué, mais quand la personne est arrivée, elle n’avait pas assez d’argent avec elle (3'500 gourdes !), elle revient avec l’argent, mais la boutique avait fermé ! Donc à nouveau téléphones pour trouver un autre lieu et, finalement, le médicament a voyagé par bus mercredi. Au moment où je le reçois, le docteur m’annonce qu’il a oublié de dire qu’il faudrait deux flacons ! Donc retéléphones et je recevrai le deuxième flacon mardi ! Rien n’est simple mais quelle investissement de la part des gens pour moi !
 
Vendredi, nouveau contrôle et constat d’une petite amélioration après 48h de 4 médicaments dont 2 antibiotiques, le tout à mettre directement dans l’œil ! Lorsque je me regarde dans la glace, mon œil gauche distingue à présent les différentes parties de mon visage, mais suffisamment flou pour ne pas voir les rides, les boutons, les poils et autres imperfections ! ;-) Cela c’est agréable ! Bref, il me faudra encore en tout cas deux semaines de traitement pour retrouver ma vue… Plus de verres de contacts qui sont à l’origine de l’infection (trop peu de larmes, trop de poussières, etc.), mais surtout plus nécessaire d’envisager un rapatriement ! Je n’ai jamais pris autant d’antibiotiques de ma vie entière que pendant ces deux derniers mois !

J’ai connu trois jours de bonheur en rencontrant un magnifique couple de Lausanne. Lui, Robert, pharmacien et elle, Simone, infirmière sont venus 10 jours en visite à Haïti. En effet, Simone a travaillé un an à Port-au-Prince et 18 mois à Jérémie dans un dispensaire et n’était pas revenue depuis 50 ans ! Son mari n’ayant jamais visité Haïti, ils sont venus voir les changements intervenus (ou non !). Avant d’entreprendre ce voyage, ils m’ont contactée, grâce à l’ASAH, pour voir ce dont j’avais besoin. Je leur ai demandé une pommade de cicatrisation pour ma jambe et quelques souvenirs suisses que je pourrai remettre à mes proches avant de repartir, car je n’avais pas prévu assez ! Ils sont arrivés avec pleins de cadeaux à offrir, du chocolat, des médicaments en force et des gourmandises pour moi ! De vrais Père et Mère Noël au mois de mai ! MERCIIIIIIIIII ! En plus, ils n’ont jamais voulu que je les paie alors qu’ils ont dépensé largement plus de CHF 350.- ! C’est pour cela que j’ai utilisé cet argent pour louer la voiture, subventionner les enseignants et, si j’y arrive, aider un peu le pasteur pour ses roues ! Avant de partir, j’apporterai tous les médicaments inutilisés à mon médecin pour ses patients ! 
Snif...je n'ai même pas de photos d'eux, car c'est eux qui les ont prises avec leur appareil ! 

Ils ont logé 3 nuits dans un hôtel proche de ma maison, alors j’ai été souper avec eux les trois soirs et nous avons passé de très agréables moments. Le premier soir, nous avons également mangé avec une jeune Vaudoise qui travaille depuis 7 ans pour des ONG dans le monde et qui est à Jérémie depuis 2-3 ans avec l’EPER en faveur des écoles méthodistes CREP et les populations de montagne ! Je l’admire, car la vie n’est pas facile ici. 

J’ai pris aussi conscience de deux ou trois choses : tout d’abord à mon âge (51 ans), je fais partie des vieux qui restent le soir chez eux et sont assez occupés, donc je sors rarement. J’ai été deux fois chez des collègues car je passais devant leur maison, mais les visites de courtoisie dépassent rarement la demi-heure ! Les plus jeunes sortent, mais je ne fais plus partie de leur monde ! De plus, je m’aperçois que ma famille ne sort vraiment pas. L’autre jour, c’était la fête du drapeau, grande fête nationale, il se passait plein de choses partout, mais personne n’est sorti et moi avec mon œil je n’ai pas voulu aller seule, la luminosité étant encore difficile à supporter ! L’autre dimanche, il y avait aussi des animations sur la place publique et Emanette (la maman) tenait un stand de vente, j’ai donc proposé de m’y rendre à pied avec les enfants qui ont pu alors jouer sur les jeux de la place publique et voir des copains, mais cela a été l‘unique sortie à Jérémie depuis 20 semaines si j’excepte le voyage avec la famille à Dame Marie sur un week-end et mes deux sorties à la mer avec les groupes d’américains. Lors de ce moment au parc public, j’ai vu que je ne me sentais pas à l’aise dans le monde et que j’ai eu un sursaut lorsqu’une jeune fille m’a croisée de très près…Petite séquelle de mon arrachage de collier à PAP en mars ? 

Le second problème est que la maison ne se ferme que de l’intérieur et tout le monde dort au premier étage, donc la maison est fermée très tôt. Quand j’ai mangé dehors, j’ai dû chaque fois téléphoner à Emanette pour qu’elle vienne m’ouvrir la maison et comme elle dort vers 21h, vaut mieux ne pas traîner ! Cette sensation d’isolement est aussi due au fait que même la journée toutes les portes du rdc sont fermées pour éviter des intrus et samedi, en revenant de ma formation à 13h, même le portail d’entrée était fermé avec un cadenas (habituellement ce n’est que la nuit), car le gardien était parti et tout est fermé par sécurité… j’ai donc dû appeler un bon moment pour que quelqu’un vienne m’ouvrir ! Je me rends compte que cela accentue mon impression de solitude. L’après-midi, je fais les devoirs et des jeux avec les enfants, quand la mère rentre, elle téléphone, repasse et dort ! Le soir, dès qu’il y a l’électricité, les enfants sont scotchés devant la tv dans leur chambre et dès lors je me retrouve seule. Heureusement qu’il y a le wifi et que je peux communiquer avec mon téléphone et mon ordinateur. Néanmoins, moi qui, à Genève, sort au moins 3-4 soirs par semaine et qui suis toujours entourée d’amis je m’aperçois que cela me manque après 4 mois !





Les trois grandes portes-fenêtres...quasiment toujours closes ou une seule entrouverte comme ci-dessus ! 
















Un autre souci est que la chaleur augmente ainsi que l’humidité. Cette semaine, nous avons eu souvent 30 degrés avec 80 % ou plus d’humidité. Le matin, assise, mon front transpire déjà ! Le ressenti est en effet d’environ 4 degrés en plus, mais vu que la température, même au milieu de la nuit ne redescend pas en dessous de 26 et que ma chambre garde la chaleur, car les fenêtres donnent sur une véranda, j’ai le sentiment de vivre à plus de 30 degrés en permanence. Même l’eau est trop tempérée pour se rafraîchir sous la douche ! Enfin, le plus difficile, est que la ville a fourni très peu d’électricité (de 18h à 21h) ou pas du tout, donc pas de ventilateur pour dormir !!! Comme tout le monde a eu de la peine à dormir, Emanette a fait mettre le générateur en route ces trois dernières nuits pour avoir de la fraîcheur au moins jusqu’à minuit ou plus ! Bref, les nuits sont très entrecoupées : je m’endors vers 22h, me réveille à minuit et à 4h puis à 5h30 et je mets parfois énormément de temps à me rendormir (des fois 2h !). J’espère retrouver ma bonne qualité de sommeil quand je rentrerai à Genève !

Désolée, je vois que je me plains un peu…. Je pense que le cumul de bobos, de médicaments et le manque d’un bon sommeil me rendent plus sensible, pourtant je ne regrette absolument pas mon séjour qui est riche pour moi ! Je sais que je vais être à la fois très triste de partir, mais aussi très contente de rentrer !

Comme je ne veux pas vous quitter sur une note en demi-teinte, je vais vous parler de petits bonheurs que je m’accorde de temps à autre : les courses à l’européenne. Il y a ici un petit supermarché (5 rangées de rayons sur 15-20m) qui a des arrivages réguliers. Alors parfois, je me paie des petits extra pour mes souper : du brie en conserve, un pot de Nutella, une boîte de salade de fruits, des yaourts ou des crèmes chocolat qui se gardent à température ambiante !!! Ceux-ci sont très bons, car fabriqués par Lactel ou Elle et Vire, et je n’osais pas trop les tester en les voyant non-réfrigérés, mais c’est fait pour et ils m’agrémentent agréablement mes céréales le soir. Parfois, je m’achète aussi une pomme ou du raisin pour varier des bananes-figues (ils les appellent ainsi pour les distinguer des bananes qui elles se cuisent et se mangent dans les plats salés) et des mangues (la saison se termine :-( ). 






















Enfin, avant de terminer, je veux tirer un grand coup de chapeau à tous ces haïtiens qui se battent pour améliorer leur vie comme Kalos, un jeune de 18 ans environ que je rencontre régulièrement. Il vit à Léon où il va à l’école et tous les samedis, il met 2-3h pour venir à Jérémie suivre 3h de cours d’anglais avant de repartir chez lui. Il est l’aîné d’une famille de 5 enfants et veut faire quelque chose de sa vie, donc il fait des efforts importants ! En plus, à chaque fois il me rappelle que si j’ai besoin de son aide, il viendra immédiatement !
Je pense à Cliffort et Agenor et à leurs amis qui, dans un bidonville de PaP, organisent des samedis et dimanche matins pour les jeunes  de leur quartier de 4 à 14 ans en leur proposant des activités de poterie, d’artisanat, d’anglais, de respect environnemental, etc. car la plupart vont peu à l’école.
Je pense à mon médecin, Marx Saint-Clair, qui travaille 7 jours sur 7 et multiplie ses visites à domicile. Il a toujours le sourire et se montre disponible et rigoureux dans les soins. Lorsqu’il soignait ma blessure à la jambe, il a changé jusqu’à 3x ses gants et utilisé plus d’une dizaine de compresses stériles pour un seul soin afin d’éviter une infection. Même pas un tiers de ses patients peut le payer, mais il est toujours là pour eux. Il m’a soignée tous les jours pendant 7 semaines et était honteux de me demander 10'000 gourdes (soit environ 160.-). J’ai voulu payer le prix juste, car je vais être remboursée par mon assurance et je lui ai laissé un petit montant supplémentaire que j’espère agrandir avant de partir !
Je pense au Docteur Marcellus, l’ophtalmologue de PaP qui vient travailler à Jérémie une semaine par mois. Pendant les 4 jours, il a travaillé 10h par jour au dispensaire. Il a fait au moins une vingtaine d’interventions chirurgicales et a reçu entre 60-70 patients par jour. Le dernier jour, il a dû refuser encore 15 patients car il n’y arrivait plus ! Chaque personne doit payer 200 gourdes (environ 3,20), une fortune pour beaucoup, mais ensuite ils ont la consultation, les médicaments et les lunettes gratuites si nécessaire (j’avais fait le même constat à Cap Haïtien au service des urgences où je n’ai payé que 80 gourdes pour mon dossier malgré mes deux visites, mais j’avais dû aller acheter les médicaments pour me faire recoudre).
Les employées du dispensaire, les médecins, les fournitures  sont payés souvent par des ONG américaines, et eux aussi, comme les enseignants et de nombreux métiers, travaillent souvent sans recevoir de salaires réguliers ! 

Les gens comme eux il y en a tellement…. Chez nous aussi il y a des gens qui ont la vie difficile et qui montre un courage incroyable… Alors je pense à tous ces gens que je ne peux pas aider forcément comme je le voudrais. J’ai pris en charge la scolarité des enfants de Sayouba, au Burkina Faso, depuis plusieurs années et ici je vais prendre en charge la scolarité d’une jeune fille de 15 ans qui est adorable et je vais voir comment aider Kalos, Agenor et Clifford. J’aimerais avoir une baguette magique pour aider ces gens dans le monde entier, mais j’espère que mes petites gouttes d’eau font déjà du bien et je sais que nombreuses sont les personnes qui aident les autres dans ce monde. Par rapport à mon voyage ici, je rappelle que l’ASAH, Lumière pour Haïti, deux petites associations genevoises, Eirene et l’EPER, deux associations suisses, sont vraiment des associations qui investissent les dons dans des projets directs auprès de la population en besoin à Haïti et ce sont des associations en qui on peut avoir confiance !

Enfin, j’ai peut-être l’idée de monter un petit projet de une-deux semaines par année ici à Jérémie pour continuer ce que j’ai commencé, mais je vous en reparlerai d’ici quelques mois, après avoir repris ma vie quotidienne et avoir envisagé les différentes possibilités.

Voilà…une fois de plus j’ai beaucoup à communiquer et je vous remercie de me lire, car cela me touche sincèrement !
Bonne continuation !
Cordialement.
Ariane

mardi 3 mai 2016

A propos de ma mission....



Même si le rythme ici n’est pas le même qu’en Suisse et que je ne me lasse pas d’admirer les paysages et les vues magnifiques, je travaille chaque jour du lundi au samedi !

Comme depuis la fin février, tous les vendredis, je continue à donner ma formation à des enseignants de plusieurs écoles au sujet de l’apprentissage du français au travers d’activités de la lecture. J’aurais dû voir mon dernier groupe la semaine dernière, mais, à deux reprises, nous avons dû supprimer des rencontres et il faudra donc trouver de nouvelles dates pour les programmer (une des rencontres a déjà été supprimée deux fois !). Ce vendredi 29 avril,j'aurais dû commencer le deuxième jour de formation pour tous, cette fois autour de la production écrite, car cela correspond à une forte demande des enseignants rencontrés, mais une conjonctivite subite et douloureuse m'a contrainte à supprimer mes séances vendredi et samedi. Ce n'est que partie remise, mais ces reports de date deviennent difficiles à gérer pour trouver d'autres dates.

Comme toujours, j’essaie de leur montrer qu’ils n’ont pas forcément besoin de matériel supplémentaire (qui est leur deuxième demande), mais qu’ils peuvent l’utiliser différemment (et mieux ?) le matériel de français, très bien élaboré, qu’ils ont à disposition. J’essaie de leur donner un maximum d’idées et j’espère que cela leur donnera l’imagination pour d’autres !















Je rencontre aussi à présent, plus régulièrement, une fois toutes les deux semaines, les enseignants du Collège Jean Westley qui se situe à côté de mon bureau. Nous avons échangé autour de la gestion de la classe, de la punition et de la sanction et du règlement de classe (pendant deux séances). Lundi, suite à leur demande, je leur ai présenté pleins de petits jeux « éducatifs » qui peuvent être fait en classe (jeu du pendu, deviner quel trésor est caché, « Jacques a dit », etc.) et la prochaine fois nous aborderons déjà un peu la production écrite ensemble.  L’enseignant de 6AF m’a demandé de préparer avec lui une leçon de sciences expérimentales et je vais assister à quelques leçons et l’enseignante de 1AF m’a demandé l’observation d’une élève totalement passive dans sa classe. J’ai déjà été trois fois dans sa classe, mais la première fois, elle était absente (à cause de la pluie du matin….) et je me suis retrouvée à enseigner, mais il était 11h et les 30 élèves étaient laissés à eux-mêmes depuis 8h, donc je ne vous dis pas le degré d’excitation ! De temps à autre, un enseignant passait 5 minutes, mais sinon ils attendaient librement l’heure du départ (quand je suis arrivée, ils étaient presque tous debout, leur sac à dos sur le dos à attendre) ! Nous avons fait un peu de mathématiques (car ils avaient déjà fait un peu de lecture), de chants, de jeux et ils ont mangé le repas préparé par la cantine. La gestion de ce remplacement spontané n’a pas été simple et je dois avouer que j’ai quitté le navire à 12h30 les laissant avec une autre enseignante… Lorsque je suis revenue en observation, j’ai vu qu’ils  étaient plus obéissants avec leur enseignante, mais difficiles quand il n’y a pas les exigences habituelles.

J’ai également décidé de donner des petits séminaires facultatifs le samedi matin de 9h00 à 11h30 pendant 9 semaines, en me rendant par tournus dans trois écoles différentes et en abordant à chaque fois un thème différent (le plus souvent des sujets qui m’ont été demandés). Le premier samedi, 5 enseignants sont venus travailler sur ce que j’avais fait avec les enseignants de Jean Wesley autour de la gestion de classe (voir le paragraphe précédent) ; le suivant ils ont été 13 pour faire de la grammaire (l’accord des participes passés avec/sans auxiliaires, les groupes de la phrase et l’analyse de phrases). A chaque fois, ces échanges sont très intéressants et j’espère que cela leur apporte quelque chose; dans tous les cas, cela me demande parfois de bonnes révisions ou de l’imagination.
Les prochaines semaines, je proposerai deux séances pour les enseignantes de préscolaire et de 1-2 AF autour de la psychomotricité, des activités sur les 5 sens et l’activité du Tangram, et d’autres séances sur la procédure de résolution de problèmes en mathématiques, les différents types de textes en français et sur la poésie, sur l’évaluation et une dernière sur la gestion de rythmes différents des élèves.
La semaine dernière, j’ai été accompagnée, également à ma demande, à l’école de Léon. En effet, j’avais remarqué dans cette école que le directeur avait dans son bureau une étagère remplie de livres pouvant constituer une bibliothèque, mais empilés sans aucun ordre, chaque pile ayant un équilibre précaire …. J’ai donc décidé d’organiser une bibliothèque facile d’accès. Pendant 3h, j’ai trié les livres, une enseignante les a nettoyés (car ils étaient très, très poussiéreux !) et je les ai numéroté par catégorie (par deux années scolaires, séparant les livres pouvant être lus par l’enseignant et ceux pouvant être lus par les élèves, les ouvrages documentaires et les ouvrages méthodologiques par discipline). J’ai affiché la liste des références (par ex : 1 = livres pour les enseignants de 1-2AF, 2 = livres pour les élèves de 1-2 AF et ce jusqu’aux livres de troisième cycle et pour adultes). J’ai aussi établi une liste de prêt, car parfois les directeurs craignent la perte de livres ! J’ai ensuite présenté cette nouvelle bibliothèque aux enseignants et à leur directeur, je verrai à ma prochaine visite s’il y a eu du changement. J’étais vraiment triste de voir que, par exemple, 60 tableaux de conjugaison (vous savez le Roller jaune que nous avons tous eu et qui est toujours utilisé !) encore emballés dans leur plastique. J’ai montré aux enseignants de 2ème cycle les livres pour les lectures suivies ou les tableaux de conjugaison qui doivent être utilisés. Si j’ai le temps et le moyen de locomotion, j’essaierai d’aller donner une leçon aux élèves de 5-6AF sur l’utilisation du tableau de conjugaison !
J’espère encore visiter des écoles que je n’ai pas encore vues et, si nécessaire,  mettre d’autres bibliothèques en place, d'ailleurs je vais déjà aller revoir celle du collège Jean Wesley pour voir ce qui peut être amélioré ! J’ai enfin demandé à rencontrer à nouveau tous les directeurs, car je souhaiterais reprendre avec eux le fonctionnement des bibliothèques et les moments de coopérative pédagogique.



J'ai oublié de prendre une photo avant de commencer mon tri, mais cela ressemblait en pire à cette deuxième table remplie de livres scolaires qui s'empilent plus aisément par série.




 

Même si la place est un peu restreinte,
j'espère que ce rangement rendra plus facile l'accès !














Cependant, je suis parfois un peu découragée…. Je me demande ce que retiennent la majorité des enseignants de mes propositions ? Même si j’essaie de les rendre actifs au maximum lors des séances de travail, je me questionne sur ce qu’ils essaient de mettre en place dans leur classe.
Je suis frappée de voir comme ils sont attachés au cadre théorique strict qu’ils connaissent au détriment de la pratique. Par exemple, pour chaque leçon, ils marquent au tableau noir(ce qui leur prend déjà une place incroyable, presque un tiers du tableau !) les éléments suivants :
Discipline           : Mathématiques
Thème                 : Espace
Notions               : Travail sur la droite et la gauche
Activité               : Colorier les objets à droite ou à gauche d’un élément.
Petite parenthèse à propos de cette leçon observée dans une classe, je dois préciser que l’enseignante avait marqué « addition » comme thème ! Et qu’elle a accepté des réponses fausses, car elle n’avait pas observé que sur les dessins des personnages étaient de dos ou de face et que donc leur gauche ou leur droite n’était pas toujours au même endroit !
Toutes les 30 minutes (le temps en général d’une leçon, même si parfois c’est 40 minutes), l’enseignant prend quelques minutes pour indiquer tout cela sur le tableau et pendant ce temps les élèves s’agitent. J’essaie de préciser à chaque fois que ces indications sont pour eux, à mettre dans leur cahier de préparation, mais qu’elles ne sont pas utiles pour les élèves. J’ai discuté avec les inspecteurs pour voir  savoir si c’était leur exigence, ils me disent que non, mais que c’est sûrement celles des directeurs qui, eux, me disent que c’est comme cela à l’école normale (l’école de formation pour les enseignants), alors cela va continuer à prendre de la place, à être souvent incorrect et surtout inutile, mais je ne pense pas que je peux réinterroger davantage cette pratique !

Je vous ai déjà parlé aussi du problème de prononciation ou non de la lettre t dans les nombres commençant par vingt (vingt-deux,…), mais cela revient souvent dans les discussions. La réponse « correcte » est dans le livre de français de l’inspecteur qui date des années 60 !!! J’essaie de leur expliquer qu’une langue évolue et que, par exemple, dans la nouvelle orthographe l’accent circonflexe n’est plus obligatoire, l'essentiel est d'être d'accord sur la notion du nombre et non pas sur sa prononciation, mais cela va prendre encore du temps !
L’autre jour, le directeur d’une des écoles a réuni les 5-6AF à l’auditorium. Les élèves devaient trouver l’adjectif dérivé des noms, entre autres, suivants : cerveau, poumon, muscle, dos, estomac, bras, bête, fantaisie (quel rapport avec le corps?),…. Certains sont faciles, mais combien d’entre vous utilisent régulièrement le mot brachial (vient de bras) ? Et pour clore le tout, les élèves, en devoirs, ont dû inventer des phrases avec ces adjectifs…Une vraie partie de plaisir pour ces enfants qui ne sont pas de langue maternelle française et qui n’arrivent souvent pas à élaborer correctement  une phrase complète; aidant Mitsy à les faire, cela m'a demandé aussi une bonne réflexion ! 
Ces exemples m’interpellent sur ce qui est essentiel ou non !

J’ai retrouvé cet attachement à des règles lors de la semaine de formation que j’ai suivie avec environ 180 enseignants la semaine du 28 mars au 1er avril. Cette semaine-là, trois formateurs sont venus de Port-au-Prince donner des formations. Nous étions séparés en trois groupes dans des classes et avions trois sessions différentes par jour avec, à chaque fois, un animateur différent. La journée débutait à 7h par un moment de prières à l’église, ensuite petit-déjeuner de 7h30 à 8h (beaucoup dormaient sur des nattes dans d’autres classes, car ils habitent trop loin, vu l’état des routes et le manque de moyen de locomotion, pour se déplacer chaque jour).  Puis de 8h à 11h30 première session, pause de 30 minutes avec biscuits salés et jus/eau, deuxième session de 11h30 à 13h, pause repas et dernière session de 14h à 16h. Parfois, il y avait également des « devoirs » à faire pour le lendemain. Les temps de travail étaient différents (3h-1h30-2h), mais les animateurs tenaient à faire la même chose dans chaque groupe ! La première session était trop longue car plus personne n’écoutait l’animateur à la fin, mais impossible de faire comprendre cela aux organisateurs et de varier légèrement les sessions (par exemple 2h30-2h-2h) !
Comme nous étions assis sur les bancs-tables en bois des enfants, je ne vous dis pas comment j’ai eu mal aux fesses et comme j’avais peu de place pour mes jambes alors que je suis petite, je ne sais pas comment les grands de 1,80 m et plus ont fait !
Il y a eu trois sujets abordés: les techniques d’enseignement, la didactique du français (plus particulièrement la lecture et le vocabulaire) et l’évaluation. La semaine a débuté par un  test initial théorique pour chaque sujet, puis nous avons reçu une brochure de 30-40 pages par sujet. Lors des sessions, il  y a eu des travaux de groupes, mais surtout des présentations et nous avons passé beaucoup de temps (surtout pour les enseignants qui parlent difficilement le français) à recopier ce qui était écrit au tableau (avec des écritures parfois difficiles à lire ou écrit tout en bas du tableau que nous ne pouvons pas lire sans nous lever et je ne parle pas des fautes d’orthographes !). En fin de semaine, second test (parfois le même que l’initial) pour voir ce qui avait été retenu… Mais pour cela il fallait encore avoir lu et retenu les éléments de la brochure, car certains points n’étaient pas vraiment abordés lors des sessions. Autant vous dire que je n’ai pas réussi ces tests, car il y avait beaucoup de notions théoriques précises que nous n’utilisons pas en Suisse. De toutes façons, les animateurs sont partis avec les tests et les enseignants ne savent pas ce qu’ils ont réussi ou non !
En reprenant ma notion de l’essentiel : lorsque nous avons parlé de l’évaluation, il a vraiment été insisté que, lorsque des examens sont élaborés, il ne faut pas oublier de mettre une majuscule et un point à la consigne, mais nous avons survolé les différents niveaux de connaissance (taxonomie de Bloom) à vérifier chez l’enfant alors que l’animateur m’avait dit que cela serait son point essentiel ! L’animateur des techniques d’enseignement lui nous a montré comment effacer un tableau noir avec la brosse (nettoyage à sec car pas d’eau disponible) en indiquant quels gestes évitaient de faire trop de poussière, car le tableau était plein ! Heureusement cela n’a pas été l’essentiel de sa présentation ! Bref, il y a eu des moments que j’ai trouvés très intéressants et qui, heureusement, allaient dans le même sens que ce que j’ai présenté en français et en évaluation, mais d’autres, je me suis ennuyée car l’accent était parfois trop mis sur la théorie, mais pas la pratique, et cela me semblait loin des besoins des enseignants. Le savoir théorique est important, mais l’application l’est autant ! 

Voilà quelques nouvelles… Je voulais faire court, mais j’ai tellement de choses que j’aimerais partager avec vous. Dans tous les cas, cette mission me permet de réfléchir à certaines de mes/nos pratiques genevoises, à certains manques chez nous (je pense que les enfants ne copient plus assez et n’apprennent pas toujours assez par cœur par exemple) et d’apprécier encore plus nos avantages ! Cette expérience est vraiment enrichissante, même si parfois le manque de ma famille et de mes amis est là tout comme le questionnement sur l’utilité de mon travail. Mon amie Céline commence à percevoir des changements alors qu’elle travaille depuis plus de 4 ans avec certains enseignants, alors il est évident que mes 6 petits mois ressemblent à une goutte d’eau douce dans la mer, mais j’espère que, outre le plaisir de la collaboration et des riches échanges, cela permettra à certains enseignants de modifier un peu leurs pratiques professionnelles.

Une fois de plus, je vous remercie pour votre attention et vous souhaite une excellente continuation.
Cordialement.
Ariane