Même si le rythme ici n’est pas le même qu’en Suisse et que
je ne me lasse pas d’admirer les paysages et les vues magnifiques, je travaille
chaque jour du lundi au samedi !
Comme depuis la fin février, tous les vendredis, je continue
à donner ma formation à des enseignants de plusieurs écoles au sujet de
l’apprentissage du français au travers d’activités de la lecture. J’aurais dû
voir mon dernier groupe la semaine dernière, mais, à deux reprises, nous avons dû supprimer
des rencontres et il faudra donc trouver de nouvelles dates pour les programmer
(une des rencontres a déjà été supprimée deux fois !). Ce vendredi 29 avril,j'aurais dû commencer le deuxième jour de formation pour tous, cette fois
autour de la production écrite, car cela correspond à une forte demande des
enseignants rencontrés, mais une conjonctivite subite et douloureuse m'a contrainte à supprimer mes séances vendredi et samedi. Ce n'est que partie remise, mais ces reports de date deviennent difficiles à gérer pour trouver d'autres dates.
Comme toujours, j’essaie de leur montrer qu’ils n’ont
pas forcément besoin de matériel supplémentaire (qui est leur deuxième
demande), mais qu’ils peuvent l’utiliser différemment (et mieux ?) le
matériel de français, très bien élaboré, qu’ils ont à disposition. J’essaie de
leur donner un maximum d’idées et j’espère que cela leur donnera l’imagination pour
d’autres !
Je rencontre aussi à présent, plus régulièrement, une fois toutes les deux semaines, les enseignants du Collège Jean Westley qui se situe à côté de mon bureau. Nous avons échangé autour de la gestion de la classe, de la punition et de la sanction et du règlement de classe (pendant deux séances). Lundi, suite à leur demande, je leur ai présenté pleins de petits jeux « éducatifs » qui peuvent être fait en classe (jeu du pendu, deviner quel trésor est caché, « Jacques a dit », etc.) et la prochaine fois nous aborderons déjà un peu la production écrite ensemble. L’enseignant de 6AF m’a demandé de préparer avec lui une leçon de sciences expérimentales et je vais assister à quelques leçons et l’enseignante de 1AF m’a demandé l’observation d’une élève totalement passive dans sa classe. J’ai déjà été trois fois dans sa classe, mais la première fois, elle était absente (à cause de la pluie du matin….) et je me suis retrouvée à enseigner, mais il était 11h et les 30 élèves étaient laissés à eux-mêmes depuis 8h, donc je ne vous dis pas le degré d’excitation ! De temps à autre, un enseignant passait 5 minutes, mais sinon ils attendaient librement l’heure du départ (quand je suis arrivée, ils étaient presque tous debout, leur sac à dos sur le dos à attendre) ! Nous avons fait un peu de mathématiques (car ils avaient déjà fait un peu de lecture), de chants, de jeux et ils ont mangé le repas préparé par la cantine. La gestion de ce remplacement spontané n’a pas été simple et je dois avouer que j’ai quitté le navire à 12h30 les laissant avec une autre enseignante… Lorsque je suis revenue en observation, j’ai vu qu’ils étaient plus obéissants avec leur enseignante, mais difficiles quand il n’y a pas les exigences habituelles.
J’ai également décidé de donner des petits séminaires
facultatifs le samedi matin de 9h00 à 11h30 pendant 9 semaines, en me rendant
par tournus dans trois écoles différentes et en abordant à chaque fois un thème
différent (le plus souvent des sujets qui m’ont été demandés). Le premier samedi, 5
enseignants sont venus travailler sur ce que j’avais fait avec les enseignants
de Jean Wesley autour de la gestion de classe (voir le paragraphe précédent) ; le suivant ils ont été 13 pour faire de la grammaire (l’accord des
participes passés avec/sans auxiliaires, les groupes de la phrase et l’analyse
de phrases). A chaque fois, ces échanges sont très intéressants et j’espère que
cela leur apporte quelque chose; dans tous les cas, cela me demande parfois de
bonnes révisions ou de l’imagination.
Les prochaines semaines, je proposerai deux séances pour les
enseignantes de préscolaire et de 1-2 AF autour de la psychomotricité, des
activités sur les 5 sens et l’activité du Tangram, et d’autres séances sur la
procédure de résolution de problèmes en mathématiques, les différents types de
textes en français et sur la poésie, sur l’évaluation et une
dernière sur la gestion de rythmes différents des élèves.
La semaine dernière, j’ai été accompagnée, également à ma demande,
à l’école de Léon. En effet, j’avais remarqué dans cette école que le directeur
avait dans son bureau une étagère remplie de livres pouvant constituer une
bibliothèque, mais empilés sans aucun ordre, chaque pile ayant un équilibre
précaire …. J’ai donc décidé d’organiser une bibliothèque facile d’accès.
Pendant 3h, j’ai trié les livres, une enseignante les a nettoyés (car ils
étaient très, très poussiéreux !) et je les ai numéroté par catégorie (par
deux années scolaires, séparant les livres pouvant être lus par l’enseignant et
ceux pouvant être lus par les élèves, les ouvrages documentaires et les ouvrages
méthodologiques par discipline). J’ai affiché la liste des références (par
ex : 1 = livres pour les enseignants de 1-2AF, 2 = livres pour les élèves
de 1-2 AF et ce jusqu’aux livres de troisième cycle et pour adultes). J’ai
aussi établi une liste de prêt, car parfois les directeurs craignent la perte
de livres ! J’ai ensuite présenté cette nouvelle bibliothèque aux
enseignants et à leur directeur, je verrai à ma prochaine visite s’il y a eu du
changement. J’étais vraiment triste de voir que, par exemple, 60 tableaux de
conjugaison (vous savez le Roller jaune que nous avons tous eu et qui est
toujours utilisé !) encore emballés dans leur plastique. J’ai montré aux
enseignants de 2ème cycle les livres pour les lectures suivies ou
les tableaux de conjugaison qui doivent être utilisés. Si j’ai le temps et le
moyen de locomotion, j’essaierai d’aller donner une leçon aux élèves de 5-6AF
sur l’utilisation du tableau de conjugaison !
J’espère encore visiter des écoles que je n’ai pas encore
vues et, si nécessaire, mettre d’autres bibliothèques en place, d'ailleurs je vais déjà aller revoir celle du collège Jean Wesley pour voir ce qui peut être amélioré ! J’ai
enfin demandé à rencontrer à nouveau tous les directeurs, car je souhaiterais reprendre
avec eux le fonctionnement des bibliothèques et les moments de coopérative
pédagogique.
J'ai oublié de prendre une photo avant de commencer mon tri, mais cela ressemblait en pire à cette deuxième table remplie de livres scolaires qui s'empilent plus aisément par série.
J'ai oublié de prendre une photo avant de commencer mon tri, mais cela ressemblait en pire à cette deuxième table remplie de livres scolaires qui s'empilent plus aisément par série.
Même si la place est un peu restreinte,
j'espère que ce rangement rendra plus facile l'accès !
Cependant, je suis parfois un peu découragée…. Je me demande ce que retiennent la majorité des enseignants de mes propositions ? Même si j’essaie de les rendre actifs au maximum lors des séances de travail, je me questionne sur ce qu’ils essaient de mettre en place dans leur classe.
Je suis frappée de voir comme ils sont attachés au cadre théorique
strict qu’ils connaissent au détriment de la pratique. Par exemple, pour chaque
leçon, ils marquent au tableau noir(ce qui leur prend déjà une place incroyable,
presque un tiers du tableau !) les éléments suivants :
Discipline :
Mathématiques
Thème : Espace
Notions :
Travail sur la droite et la gauche
Activité :
Colorier les objets à droite ou à gauche d’un élément.
Petite parenthèse à propos de cette leçon observée
dans une classe, je dois préciser que l’enseignante avait marqué
« addition » comme thème ! Et qu’elle a accepté des réponses
fausses, car elle n’avait pas observé que sur les dessins des personnages
étaient de dos ou de face et que donc leur gauche ou leur droite n’était pas
toujours au même endroit !
Toutes les 30 minutes (le temps en général d’une leçon,
même si parfois c’est 40 minutes), l’enseignant prend quelques minutes pour
indiquer tout cela sur le tableau et pendant ce temps les élèves s’agitent.
J’essaie de préciser à chaque fois que ces indications sont pour eux, à mettre
dans leur cahier de préparation, mais qu’elles ne sont pas utiles pour les
élèves. J’ai discuté avec les inspecteurs pour voir savoir si c’était leur exigence, ils me
disent que non, mais que c’est sûrement celles des directeurs qui, eux, me
disent que c’est comme cela à l’école normale (l’école de formation pour les
enseignants), alors cela va continuer à prendre de la place, à être souvent
incorrect et surtout inutile, mais je ne pense pas que je peux réinterroger davantage
cette pratique !
Je vous ai déjà parlé aussi du problème de prononciation ou non de
la lettre t dans les nombres commençant par vingt (vingt-deux,…), mais cela
revient souvent dans les discussions. La réponse « correcte » est
dans le livre de français de l’inspecteur qui date des années 60 !!!
J’essaie de leur expliquer qu’une langue évolue et que, par exemple, dans la
nouvelle orthographe l’accent circonflexe n’est plus obligatoire, l'essentiel est d'être d'accord sur la notion du nombre et non pas sur sa prononciation, mais cela va
prendre encore du temps !
L’autre jour, le directeur d’une des écoles a réuni les
5-6AF à l’auditorium. Les élèves devaient trouver l’adjectif dérivé des noms, entre autres,
suivants : cerveau, poumon, muscle, dos, estomac, bras, bête, fantaisie
(quel rapport avec le corps?),…. Certains
sont faciles, mais combien d’entre vous utilisent régulièrement le mot brachial
(vient de bras) ? Et pour clore le tout, les élèves, en devoirs, ont dû
inventer des phrases avec ces adjectifs…Une vraie partie de plaisir pour ces enfants
qui ne sont pas de langue maternelle française et qui n’arrivent souvent pas à
élaborer correctement une phrase complète; aidant Mitsy à les faire, cela m'a demandé aussi une bonne réflexion !
Ces exemples m’interpellent sur ce qui est essentiel ou
non !
J’ai retrouvé cet attachement à des règles lors de la
semaine de formation que j’ai suivie avec environ 180 enseignants la semaine du
28 mars au 1er avril. Cette semaine-là, trois formateurs sont venus
de Port-au-Prince donner des formations. Nous étions séparés en trois groupes
dans des classes et avions trois sessions différentes par jour avec, à chaque
fois, un animateur différent. La journée débutait à 7h par un moment de prières
à l’église, ensuite petit-déjeuner de 7h30 à 8h (beaucoup dormaient sur des nattes
dans d’autres classes, car ils habitent trop loin, vu l’état des routes et le
manque de moyen de locomotion, pour se déplacer chaque jour). Puis de
8h à 11h30 première session, pause de 30 minutes avec biscuits salés et
jus/eau, deuxième session de 11h30 à 13h, pause repas et dernière session de
14h à 16h. Parfois, il y avait également des « devoirs » à faire pour
le lendemain. Les temps de travail étaient différents (3h-1h30-2h), mais les
animateurs tenaient à faire la même chose dans chaque groupe ! La première
session était trop longue car plus personne n’écoutait l’animateur à la fin,
mais impossible de faire comprendre cela aux organisateurs et de varier
légèrement les sessions (par exemple 2h30-2h-2h) !
Comme nous étions assis sur les bancs-tables en bois des
enfants, je ne vous dis pas comment j’ai eu mal aux fesses et comme j’avais peu
de place pour mes jambes alors que je suis petite, je ne sais pas comment les
grands de 1,80 m et plus ont fait !
Il y a eu trois sujets abordés: les techniques d’enseignement,
la didactique du français (plus particulièrement la lecture et le vocabulaire)
et l’évaluation. La semaine a débuté par un
test initial théorique pour chaque sujet, puis nous avons reçu une
brochure de 30-40 pages par sujet. Lors des sessions, il y a eu des travaux de groupes, mais surtout
des présentations et nous avons passé beaucoup de temps (surtout pour les
enseignants qui parlent difficilement le français) à recopier ce qui était
écrit au tableau (avec des écritures parfois difficiles à lire ou écrit tout en
bas du tableau que nous ne pouvons pas lire sans nous lever et je ne parle pas des
fautes d’orthographes !). En fin de semaine, second test (parfois le même
que l’initial) pour voir ce qui avait été retenu… Mais pour cela il fallait
encore avoir lu et retenu les éléments de la brochure, car certains points
n’étaient pas vraiment abordés lors des sessions. Autant vous dire que je n’ai
pas réussi ces tests, car il y avait beaucoup de notions théoriques précises que nous
n’utilisons pas en Suisse. De toutes façons, les animateurs sont partis avec
les tests et les enseignants ne savent pas ce qu’ils ont réussi ou non !
En reprenant ma notion de l’essentiel : lorsque nous
avons parlé de l’évaluation, il a vraiment été insisté que, lorsque des examens
sont élaborés, il ne faut pas oublier de mettre une majuscule et un point à la
consigne, mais nous avons survolé les différents niveaux de connaissance
(taxonomie de Bloom) à vérifier chez l’enfant alors que l’animateur m’avait dit
que cela serait son point essentiel ! L’animateur des techniques
d’enseignement lui nous a montré comment effacer un tableau noir avec la brosse
(nettoyage à sec car pas d’eau disponible) en indiquant quels gestes évitaient
de faire trop de poussière, car le tableau était plein ! Heureusement cela n’a pas été l’essentiel de
sa présentation ! Bref, il y a eu des moments que j’ai trouvés très
intéressants et qui, heureusement, allaient dans le même sens que ce que j’ai
présenté en français et en évaluation, mais d’autres, je me suis ennuyée car
l’accent était parfois trop mis sur la théorie, mais pas la pratique, et cela
me semblait loin des besoins des enseignants. Le savoir théorique est
important, mais l’application l’est autant !
Voilà quelques nouvelles… Je voulais faire court, mais j’ai
tellement de choses que j’aimerais partager avec vous. Dans tous les cas, cette
mission me permet de réfléchir à certaines de mes/nos pratiques genevoises, à
certains manques chez nous (je pense que les enfants ne copient plus assez et
n’apprennent pas toujours assez par cœur par exemple) et d’apprécier encore
plus nos avantages ! Cette expérience est vraiment enrichissante, même si
parfois le manque de ma famille et de mes amis est là tout comme le
questionnement sur l’utilité de mon travail. Mon amie Céline commence à
percevoir des changements alors qu’elle travaille depuis plus de 4 ans avec
certains enseignants, alors il est évident que mes 6 petits mois ressemblent à
une goutte d’eau douce dans la mer, mais j’espère que, outre le plaisir de la
collaboration et des riches échanges, cela permettra à certains enseignants de
modifier un peu leurs pratiques professionnelles.
Une fois de plus, je vous remercie pour votre attention et
vous souhaite une excellente continuation.
Cordialement.
Ariane
Coucou Ariane, wouahhhh, quelle aventure! Je continue à te lire de temps en temps et je t'envie un peu j'avoue. Tu as certainement plein de nouvelles de Genève donc je ne vais pas te raconter plus. Juste te dire c'est un plaisir de te lire et que je me réjouis d'avance de t'entendre en live nous narrer tes aventures, ton acclimatation, tes espoirs et tes questionnements...
RépondreSupprimerJe t'embrasse!
Antoni