Je suis arrivée à Haïti le 4 janvier pour une mission de 27 semaines grâce à l'Association Suisse des Amis d'Haïti (ASAH), association genevoise (www.asahiti.org). Voici le récit des deux premières semaines que j'ai passé à Pétionville, ville banlieue à 7km du centre de Port-au-Prince.
Tout d'abord, je précise que je vais collaborer en tant qu' "encadreur pédagogique des écoles méthodistes primaires des circuits de Jérémie et Léon", villes qui se trouvent dans la région de la Grande Anse, à la quasi extrémité sud ouest de l'île. Je vais donc travailler au sein d'écoles privées subventionnées par l'Eglise Méthodiste d'Haïti (EMH), qui a divisé Haïti en 11 circuits dont celui de Jérémie et celui de Léon. Au sein de ces circuits, il y a trois types d'écoles : les écoles mères tenues par des enseignants ayant suivi la formation initiale (7 dans les circuits où j'irai), les écoles CREP (centres ruraux d'éducation prioritaire) avec des enseignants plus ou moins formés (au nombre de 30 écoles) et les écoles presbytériales tenues par les pasteurs dans leurs locaux (7). Dans la mesure du possible, je vais essayer de travailler avec les 3 inspecteurs de régions et les directeurs et les enseignants des 44 écoles en sachant que certaines ne sont accessibles qu'avec une ou deux (voir plus) heures de marche ! J'espère vraiment être à la hauteur pour leur apporter mon soutien.
Dès 1963 et grâce à l'aide de pédagogues et de coopérants romands, EMH a entrepris un important travail dans les domaines de l'éducation (en prônant la pédagogie active) et du développement durable, et est souvent sollicité par d'autres instances privées et publiques.
Avant de rejoindre ces circuits, je passe deux semaines au Centre Méthodiste de Frères (CMF), à Pétionville. Il s'agit d'une sorte de vaste campus avec de nombreux bâtiments dont le "Kindergarten", jardin d'enfants préscolaires pour les enfants de 3 à 6 ans (appelées aussi 13ème classe), les classes du premier cycle (1P à 3P, 6-9 ans), les classes du deuxième cycle (4P à 6P, 9-12 ans), les classes du troisième cycle (7 à 9, 12-15 ans), les classes du secondaire (appelées troisième, seconde, rétho et philo, soit 4 degrés qui permettent l'obtention du baccalauréat, pour les élèves d'environ 15-19 ans), une cantine, un réfectoire, une salle informatique, des laboratoires de physique, de chimie, de biologie, deux bibliothèques (une pour le primaire et une pour le secondaire), un économat, etc.. Tous les élèves sont acceptés quelle que soit leur religion.Il y a également une Ecole Normale qui forme les enseignants à leur métier, le Service de pédagogies spécifiques qui élabore les programmes, les répartitions horaires, tous les documents scolaires dont des méthodologies très intéressantes avec des objectifs semblables à Genève afin de rendre l'élève actif et autonome dans ses apprentissages.
Enfin, il y a un temple et la pension où je loge pour ces deux semaines. La pension est très agréable. J'ai une belle chambre et il y a une place où les déjeuners et soupers sont servis (pas de dîners), un coin télévision et une belle terrasse avec une piscine.
Un des bâtiments des chambres, la mienne est au premier !
La terrasse et la piscine
La vue depuis ma chambre au premier
Je ne sors quasiment pas du campus, car, depuis le tremblement de terre le 12 janvier 2010, la situation économique s'est détériorée et donc les conditions de vie aussi. Un grand nombre d'habitants ont quitté la capitale qui a été détruite à près de 80 % pour se réfugier dans les hauteurs des montagnes. Ainsi Pétionville a doublé de population en 6 ans et cette petite ville auparavant un peu "bourgeoise" a perdu de sa tranquillité. Dès lors, un étranger qui se promène seul se fait sans arrêt aborder pour de l'argent et peut être bousculé. Pour se promener, il est conseillé d'avoir un chauffeur et/ou d'être accompagné par des gens locaux.
Les écoles ont repris le 11 janvier, dès lors la première semaine j'ai attendu le vendredi pour rencontrer Madame Mary-Lise Desroches, une genevoise établie à Haïti depuis plusieurs décennies.
et qui dirige le centre méthodiste de Frères. Lors de cette première semaine, j'ai eu la chance de rencontrer, à la pension, différents groupes américains de passage, des gens du pays, mais surtout Ute et Guy Loutan-Bauer, couple genevois, qui passaient la dernière de leurs 4 semaines consacrées à un projet écologique au sein du centre. J'ai passé d'excellents moments en leur compagnie : repas, baignades dans la piscine de la pension, longs échanges, mais aussi une instructive et très intéressante visite du musée du Panthéon National Haïtien, qui retrace toute l'histoire d'Haïti, et, enfin, nous avons assisté à un spectacle donné par des élèves du secondaire "Ecoliers en scène". Cette magnifique comédie musicale avec des chants et des danses très professionnels a été précédée d'une petite conférence de Guy sur l'écologie pour préserver la terre qui rejoignait le titre du spectacle "Changer la fin". Ce dernier événement, le samedi soir, a été une belle fin de séjour pour Guy et Ute que je remercie pour toutes les réflexions qu'ils m'ont apportées et à qui je souhaite une excellente suite. Ci-dessous mon rapide portrait exécuté par Ute, artiste céramiste.
Le lundi 11, l'école commençant, j'ai pu assister, dès le premier matin, au lever du drapeau sur l'hymne national chanté par les élèves, tous regroupés sur le terrain de sport. Ensuite, après une visite des différents bâtiments le premier jour, j'ai été assister à l'enseignement dans les différentes classes primaires et j'ai eu des échanges avec Madame Desroches, mais aussi des responsables du SPS, de l'Ecole Normale et du BEMHEG (bureau des EMH pour l'Education Générale). Le mardi 12 janvier (date du 6ème anniversaire du terrible tremblement de terre), il y a eu un exercice d'évacuation et un moment de prières et de lecture.
Ici, l'uniforme des garçons est un bermuda ou un pantalon gris avec chemise jaune, les filles ont une robe jaune, puis dès 5ème ou 6ème, une jupe grise avec une chemise jaune pâle, chaussettes/
socquettes blanches ou grises et si possible chaussures noires.
C'est très beau de voir tous les enfants habillés la même chose et toutes les fillettes ont des noeuds, rubans ou barrettes jaunes ou blancs dans les cheveux. Pour le sport, ils ont un uniforme composé d'un t-shirt jaune foncé avec le nom du centre et d'un short le plus souvent bleu marine. Les enseignantes sont habillées en beige et blanc, les enseignants en pantalon gris ou beige, chemise blanche et cravate.
En primaire, une classe est composée d'environ 30 élèves pour le cycle 1 et d'environ 45 pour le cycle 2 et ils ne viennent que le matin (semaine sur 5 jours : 8h-13h pour les 1-4ème et 7h50-14h30 pour les 5-6ème, avec 30 minutes de récréation). En effet, l'après-midi, 6 enseignants (un par degré) accueillent presque une centaine d'enfants défavorisés dont les parents ne peuvent pas payer les écolages. Ils viennent donc suivre le programme et recevoir un bon repas, qui constitue souvent leur seul repas de la journée. C'est l'ASAH qui permet aussi le soutien de ces élèves et du repas qu'ils reçoivent, tout comme elle donne des bourses pour permettre à certains élèves de finir leur scolarité en secondaire.
Certains élèves avalent leur repas en moins de 5 minutes, car ils tiennent à avoir encore du temps pour aller jouer. Comme chez nous, le jeu favori des garçons est le football qui se pratique avec un ballon, si possible, mais avec n'importe quel objet s'ils en n'ont pas !
Cette école a environ une quarantaine de classes (de la 1ère à la Philo) et donc pas loin de mille élèves. Les classes sont dans plusieurs bâtiments et il y a ainsi plusieurs "préaux" surveillés par plusieurs enseignants (un dans chaque préau, 4 en tout). Durant les cours, en m'asseyant dans un des préaux ou même en classe, ce qui m'a frappée avant tout c'est le bruit permanent. En effet, les fenêtres n'ont pas de vitres, il s'agit d'une simple ouverture sur l'extérieure et le brouhaha des élèves est audible autant à l'extérieur qu'à l'intérieur des classes. De plus, il y a toujours des mouvements de classes qui vont au sport, à la bibliothèque ou dans un laboratoire. Dès lors, c'est très vivant à entendre et à voir. Les nuits dans la pension sont aussi bruyantes, car pas de vitres non plus et la circulation avec les coups de klaxons sont permanents de 5h à minuit. Enfin, il doit y avoir un dancing pas très loin, j'entends donc toutes les musiques (beaucoup de collé-serré sympas) et les gens qui parlent bruyamment en sortant et cela 7/7 !
J'ai rencontré aussi plusieurs jeunes hommes qui ont suivi une partie de leurs études et qui veulent soutenir des enfants défavorisés dans les favelas locales (où ils habitent) et qui organisent le samedi et le dimanche, quand ils ne travaillent pas et avec l'aide de camarades, des moments d'enseignement de langues, écriture, et aussi artisanat pour qu'ils apprennent à produire des articles qu'ils pourront ensuite vendre. Le samedi 16, j'ai été assisté au cours de poterie avec les enfants et c'était très sympa. Nous nous sommes rencontrés deux fois et j'espère que leur projet va s'enraciner et croître, car j'admire toutes ces volontés et l'énergie qu'ils donnent aux autres pour partager un peu de leurs savoirs.
Samedi 16 janvier est ma dernière journée à Pétionville, car le dimanche 17 je partirai pour Jérémie. Ce jour-là, après la visite ci-dessus, j'ai été manger avec une jeune et sympathique pasteure dans la cafétéria d'un supermarché et nous avons eu une longue et passionnante discussion de deux heures. J'ai pu me rendre compte que les rayons de ces supermarchés "à l'américaine" sont très bien achalandés. Entrer et sortir du parking est très sportif, car ce ne sont quasiment que des gros pick-up prêts à forcer le passage et à se parquer n'importe où. J'ai constaté que dans ces lieux on peut rencontrer tous les européens vivant dans la région et les "grosses fortunes"; en effet, au vu des prix que je considère comme quasiment européens, la plupart des Haïtiens ne peuvent fréquenter ces lieux. Eux se rendent dans les marchés et les boutiques tout au long des trottoirs de la ville, quant ils ont des gourdes à dépenser ! Enfin, comme aux Philippines, je m'aperçois que les Haïtiens sont également très friands de douceurs (ci-dessous les gâteaux de la boulangerie du supermarché).
Voilà, mes deux premières semaines haïtiennes s'achèvent et j'ai hâte de découvrir mon nouveau lieu de vie. Chacun m'a avertie que la province est bien plus calme (ouf !) et que les conditions de vie sont différentes, que chaque chose (surtout l'école) est moins organisée... Je verrai bien et vous tiendrai au courant de la suite ;-)
Avant de vous quitter, je vous remercie de votre soutien et de votre intérêt... Chaque article est lu par plus de 50 personnes et cela me fait très chaud au coeur, car je sais ainsi que vous êtes en pensée avec moi ! Prenez soin de vous et bonne continuation !
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