mercredi 27 janvier 2016

Semaine 3 : Arrivée à Jérémie



Après mes deux premières semaines passées à Pétion-Ville, le Pasteur Edzaire Paul  a eu la gentillesse de me prendre dans sa voiture, conduite par un chauffeur, pour les 300 km menant à la ville de Jérémie. Son pick-up était rempli de matériel et ma valise était fixée par-dessus le tout...Heureusement que le chauffeur a pris d'autres cordes, car les premiers kilomètres avec une seule petite corde m'ont fait craindre que la valise n'arrive pas à bon port ! Ce d'autant plus que, si les 200 premiers km ont été relativement très confortables, car la route jusqu'aux Cayes est goudronnée (il faut juste faire attention à "la police endormie" /"gendarmes couchés", à la circulation des véhicules, des personnes et des animaux !), la dernière partie traversant le massif montagneux de la Hotte (un des plus hauts d'Haïti- point culminant à 2347 m) est composée d'une route de terre battue, voire même uniquement de cailloux !

Pendant de nombreux km sur ce dernier tronçon, j'ai vu des véhicules de chantier qui cassent des rochers et qui essaient d'élargir la route. Comme c'était dimanche soir, tout était à l'arrêt (ce qui était un facilitateur, car les jours de travail, par moment, la circulation est simplement totalement stoppée),  mais la nuit ne rendait pas facile la vision des motos ou des personnes sans éclairage. Incroyable le nombre de personnes marchant le long de cette route.... Nous avons bien traversé des villages, mais, comme beaucoup sont sans électricité, difficile de voir où les gens se rendent !

Après 6h de route, nous sommes enfin arrivées à Jérémie où nous avons essayé de nous frayer un chemin parmi le cortège de pré-carnaval. J'ai découvert alors  ma nouvelle maison pour les 6 mois de mission. Il s'agit du guest-house des églises méthodistes à Jérémie, mais aussi le foyer du pasteur Lelièvre. La famille, composée des parents et de trois enfants de 10, 8 et 6 ans, dispose d'une grande chambre pour eux au premier étage. Il y a ensuite, sur le même palier, une petite chambre, trois dortoirs de 4 à 6 lits et finalement la chambre qui m'a été attribuée. Cette dernière est très spacieuse avec un lit double, une petite coiffeuse, une table haute et une immense armoire. Le pasteur Paul a aussi apporté une table d'ordinateur et une chaise afin que je puisse aussi avoir un lieu de travail. C’est vraiment un privilège d’avoir une si belle chambre pour moi seule ! Enfin, il y a  deux vérandas extérieures (une au rdc et une au premier), trois salles de bains et une grande salle à manger (avec une immense table massive), puisque, si le guest-house est complet, il pourrait y avoir une vingtaine de personnes. Il est situé un peu au dehors de la ville dont on entend parfois certaines animations, mais d’une manière générale, c’est dans un quartier assez calme et c’est très agréable de ne pas avoir des klaxons la nuit ! Il y a un nombreux personnel (quatre femmes pour la cuisine, la lessive et le ménage, un chauffeur et un homme à tout faire, dont le jardin) qui me permet de vivre confortablement, même si j’aide à débarrasser la table et à faire la vaisselle.

Dès le lundi matin, les inspecteurs des circuits de Léon et Jérémie, trois en tout, sont venus me saluer au déjeuner. Nous les avons ensuite rejoints et sommes partis visiter trois des 44 écoles de la région ! Il faut distinguer les écoles mères (écoles principales) et les écoles CREP. Ces dernières sont des « Centres Régionaux (avant on parlait de centres ruraux) d’Education Participative (avant on disait populaire) »… les changements de mots ont été faits depuis peu afin d’éviter une connotation négative. Ces dernières écoles sont en général assez éloignées des villes et grands villages, elles se trouvent le plus souvent en montagne avec des routes ou des chemins uniquement pédestres pour y parvenir. Ce premier jour, nous avons visité une école mère et deux écoles CREP. Ces dernières étaient tout simplement magnifiques, car l’EPER (une ONG suisse) rénove ou construit de nouvelles écoles depuis plusieurs années dans la région et 20 écoles sur les 26 CREP ont déjà pu être rénovées… Du coup, elles sont tout simplement bien plus belles et confortables que de nombreuses écoles de la région !
 Le nouveau bâtiment scolaire et l'ancien !















 Dans une classe de 6ème, j’ai vu la liste des élèves et j’ai constaté que certains élèves ont plus de 20 ans….j’admire leur volonté d’apprendre pour mieux avancer dans la vie !










Le mardi, j’ai pu découvrir mon nouvel espace de travail au sein des bureaux de l’administration inspectorale. C’est un magnifique espace où le pasteur Paul a aussi fait installer bureau et chaises. J’ai donc vraiment bien été accueillie !


Une partie de l'équipe inspectorale...



La vue depuis ma fenêtre..

L’électricité étant le plus souvent absente dans tout le bâtiment, les secrétaires écrivent sur de vieilles machines à écrire à ruban et cela me rappelle mon enfance. Il y a bien un ordinateur, mais je ne sais pas quand il marche…. Je crois qu’il faut aller dans le collège à côté pour avoir l’électricité, ces bureaux sont en effet attenants au Collège Jean Wesley, la principale école mère de la région. Il s’agit d’un bâtiment unique, sur plusieurs étages à flanc de coteau. Quand j’ai un moment, je profite donc de me rendre dans une classe de cet établissement qui enseigne  des années préscolaires à l’année Philo (baccalauréat). Comme à Pétion-Ville, les élèves ont un uniforme jaune et gris dans les écoles mères. A priori, dans les écoles CREP, la tenue est plutôt bleue.





La journée des élèves commence à 8h avec la prière, le lever du drapeau, l’hymne national et l’hymne de l’école, tous réunis dans la cour, et se termine à 13h la semaine (pour les élèves du primaire, avec 30 minutes de pause), 12h le vendredi. A nouveau, lors de mes observations en classe, j’ai été frappée par le bruit permanent dû notamment au manque de vitres, mais surtout, le préau étant restreint, au fait que les classes se succèdent pour les récréations ! C’est donc très bruyant et ce pendant presque 2h ! Cela me rappelle nos préaux, car les garçons jouent principalement au football et les filles à la corde à sauter. Certaines classes (1ère et 2ème) sont très petites et très sombres (car au rez-de-chaussée) et contiennent difficilement les 36 élèves habituels ! Chaque classe possède des tables et bancs pour deux (trois ou quatre chez les plus jeunes), le bureau pour l’enseignante et une armoire pour le matériel. Le tableau noir traditionnel a toujours un proverbe pour la semaine, le tableau des effectifs et à chaque leçon l’enseignante doit indiquer la discipline, le thème travaillé, l’objectif spécifique de l’activité et le contenu.

Dans chaque classe, j’ai pu remarquer qu’il y a toujours plus de garçons que de filles (souvent  2/3-1/3). J’ai demandé si cela est un effet de discrimination (on favorise la scolarité pour les garçons), mais il semblerait que cela soit tout simplement représentatif de la natalité différente ! L’autre jour, j’ai aussi vu un élève avec des lunettes en 4ème et je me suis dit que très peu d’enfants en ont…Mais là je pense qu’on est vraiment dans un souci de dépistage ! Enfin, je parlais de degrés primaires, mais à Haïti, on parle de 1ère à 6ème comme d’années fondamentales, on dit donc 1ère AF !

Cette première semaine a été très tranquille, les inspecteurs voulant me laisser le temps de m’adapter et de trouver mes marques. Je me suis installée dans mon bureau (qui n’a donc pas d’électricité, mais vu mes heures de travail ce n’est pas grave et mon ordinateur portable a assez d’autonomie !) et, à part mes périodes d’observations dans quelques classes, j’ai consulté des documents méthodologiques. J’ai aussi préparé un document sur l’évaluation, car cela va être un des thèmes de travail prochainement. J’ai hâte de rencontrer et collaborer avec les enseignants, mais cela va être à organiser, car ici les enseignants n’ont pas de réunion de coordination pédagogique hebdomadaire comme à Pétion-Ville.         

Je me déplace dans la même voiture qui mène les enfants de la famille à l’école, je travaille donc de 8h à 13h. Les administratifs eux travaillent de 8h30 (donc quasiment 9h !) à 14h avec 30 minutes de pause de 12h à 12h30. Personnellement, je ne prends pas de pause et essaie de travailler encore un moment dans la fin de journée sur mon ordi ou en lisant. Ces horaires seront forcément différents lors des réunions avec les enseignants qui auront lieu après l’école et/ou le samedi. Un rythme très, très tranquille qui me laisse aisément le temps d’aider les trois enfants de la famille à faire leurs devoirs (ils en ont chaque jour pour le lendemain et le vendredi pour le lundi). Cela me permet aussi une approche de l’enseignement d’ici et je suis notamment étonnée par la quantité de textes à apprendre par cœur : résumés des leçons d’histoire, de géographie, de sciences expérimentales entre autres. J’ai revu ainsi des notions des appareils génitaux et urinaires (programme de 6ème AF) que je n’étais même pas sûre de connaître !

Un des inspecteurs est venu me voir pour avoir une réponse à un de ses soucis : pour les nombres d’une vingtaine, doit-on dire « vingt-deux » en prononçant le t ou sans le prononcer, (car certains enseignants ne sont pas d’accord quand il les corrige )? Je n’ai pas réellement répondu, en précisant que cela dépend notamment de la région (accent local), mais que le principal reste dans la notion de l’exacte quantité représentée par ce nombre ! Cette longue discussion (ma réponse ne l’ayant pas satisfait) m’a  montré que nous n’avions peut-être pas tout à fait la même notion de l’essentiel en pédagogie…. :-) 

Ici, il a été « décidé » que j’avais trois mois pour parler le créole ! Il s’agit donc d’un défi qui est de taille, car je n’ai vraiment pas de facilités pour les langues, mais j’essaie ! Le créole est en effet une des deux langues officielles avec le français. Les élèves ont des leçons sur ces deux langues toute leur scolarité et ne commence l’anglais qu’au troisième cycle (environ 12 ans). Je vous reparlerai certainement de mes progrès ces prochaines semaines !






Une rue du centre de Jérémie....

Cette première semaine, j’ai pu me promener un peu en ville et dans les environs en voiture ou à pied. Il faut bien dire que la ville ne peut pas être considérée comme belle… Elle est composée de nombreuses constructions d’un ou deux étages, toutes accolées les unes aux autres, avec un commerce au rez-de-chaussée et une habitation à l’étage, mais il y en a beaucoup qui sont « délabrées » et/ou fermées. En arrivant en ville ou dans les hauteurs, il y a des bidonvilles composés d’abris en toiles/bois/tôles.






Quelques rues principales sont goudronnées ou pavées, mais les autres sont en terre battues, il y a donc une énorme poussière soulevée par les véhicules !  Partout des détritus, des rigoles d’eaux sales et odorantes…


La rue juste devant nos bureaux avec des fouineurs à pattes qui viennent voir s'il y a quelque chose à manger !















En ville, presque pas de tap-tap ou de bus. Les déplacements publics se font en majorité sur des motos-taxis qui peuvent passer par toutes les rues assez aisément. La ville est au bord de l’eau, mais les rives sont très caillouteuses et jonchées de déchets, l’eau semble bien polluée. La gestion des déchets est vraiment un énorme problème ici L ! Par contre, quand on quitte la ville pour la campagne, certains paysages sont très verts et très boisés avec des vues magnifiques. Ici aussi la moindre route grimpe sur les collines et montagnes et certaines pentes sont incroyables ! Très souvent il faut traverser des ponts qui sont en train d’être refaits et passer sur les ponts provisoires en métal se révèle aussi assez intéressant, mais il arrive aussi de devoir traverser des grosses flaques ou des petites cours d’eau directement  ! Je vous proposerai quelques photos dans mon prochain article !

J’ai également été frappée par l’élégance des dames qui ont toujours de belles tenues et souvent de beaux chapeaux alors que tout est lavé à la main…Des fois, j’ai honte d’être toujours en pantalon et t-shirt…et je n’ose même pas imaginer ce que cela doit être à l’église ! Il va falloir que je m’achète au moins une jupe ou une robe…..

Pour finir, je vous parlerai encore juste de la spécialité locale, que j’ai pu déguster déjà à plusieurs reprises, il s’agit de la « Comparette », sorte de pain à l’essence d’amandes. Ce petit pain rond est en fait assez gros (10 cm de diamètre) et est à partager, car c’est bon mais très vite rassasiant !
Voilà beaucoup de découvertes pour cette première semaine…. Je me réjouis de vous raconter la suite d’ici quelques temps !


Merci pour votre lecture et bonne continuation à tous !




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